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segunda-feira, 9 de maio de 2011

Métamorphose

«Dans un ouvrage sur le Folklore des Boschimans, que je tiens pour le document le plus précieux sur l'humanité primitive, et qui est loin d'être encore épuisé - bien qu'il ait été rédigé par Bleek il y a cent ans, et imprimé voià bientôt cinquante ans -, se trouve un chapitre sur les pressentiments des Boschimansm qui contient d'importants éclaircissements. Comme on le verra, ces pressentiments sont des amorces de métamorphoses de forme on ne peut plus simple. Les Boschimans flairent de loin l'arrivée de personnes qu'ils ne peuvent ni voir ni entendre. Ils ont aussi un sentiment qui leur dit l'approche du gibier, et ils décrivent par quels signes leur propre corps leur fait reconnaître cette approche. En voici quelques exemples, reproduits littéralement.
«Un homme dit à ses enfants de surveiller l'arrivée de leur grand-père. «Faites le guet, il me semble que Grand-Père approche. Car je sens la place de son corps où est sa vieille blessure.» Les enfants font le guet. Ils voient un homme au loin. Ils disent à leur père: Voici un homme qui arrive.» Leur père lui dit: "C'est votre grand-père qui arrive. Je savais qu'il viendrait. J'ai senti son arrivée à la place de sa vieille blessure. Je voulais que vous le voyiez vous-mêmes: il arrive réellement. Vous n'en croyez pas mon pressentiment. Mais il dit la vérité".»
Cette scène est d'une simplicité grandiose. Le vieil homme qui est le grand-père de ces enfants était manifestement parti bien loin. Il a une vieille blessure à certain endroit de son corps. Son fils adulte, père des enfants, connaît exactement cet endroit. C'est une de ces blessures qui se réveillent toujours. On a souvent entendu le vieillard en parler. Elle est, dirions-nous, sa «caractéristique». Quand le fils pense à son père, il pense à sa blessure. Mais c'est plus qu'une simple pensée. Il ne se contente pas de se représenter la blessure, son emplacement précis, il la sent  à l'endroit correspondant de son corps à lui. Dès qu'il la sent, il suppose  que son père, qu'il ná pas vu depuis un certain temps, s'approche. Il sent qu'il s'approche parce qu'il sent sa blessure. Il le dit à ses enfants, et il semble qu'ils ne le croient guère. Ils n'ont peut-être pas encore appris à croire à la justesse de pareils pressentiments. Il leur fait faire le guet, et en effet, un homme s'approche. Ce ne peut être que le grand-père, c'est lui. Le père avait raison. Le sentiment de son corps ne l'a pas trompé.»

Elias Canetti, Masse et puissance

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