«En quoi donc le geste chrétien - exemplairement désigné par Paul comme agapè - consiste-t-il? Dans ses
Enquêtes su la vérité et l'interprétation, Donald Davidson a développé ce qu'il appelle le Principe de Charité: «Le but n'est pas celui, absurde, de faire disparaître le désaccord et l'erreur. C'est plutôt qu'un large accord est ce sur fond de quoi seulement on peut interpréter conflits et erreurs.» En ce sens: «Ce qui rend donc l'interprétation possible est le fait que nous puissions écarter
a priori la possibilité d'erreur massive.» Comme le souligne Davidson, cette assomption ne relève pas simplement du choix à faire ou à ne pas faire, mais d'une sorte d'
a priori de la parole, d'une présupposition qui nous détermine dans le silence et que nous suivons du moment que nous entrons en communication avec les autres:
«Puisque la charité n'est pas une option, mais la condition même qui nous permet d'avoir une théorie maniable, cela n'as pas de sens de suggérer que nous pourrions tomber dans une erreur massive en l'adoptant. [...] La charité nous est imposé; que cela nous plaise ou non, si nous voulons comprendre les autres, nous devons considérer qu'ils ont raison sur la plupart des sujets.»
Le Principe de Charité de Davidson n'est donc qu'un autre nom pour le «grand Autre» de Lacan: il représente la garantie ultime de la Vérité sur laquelle nous ne pouvons pas ne pas nous appuyer, même si nous mentons à nos interlocuteurs, et ce précisément afin de réussir à les tromper.»
Slavoj Zizek, Fragile absolu, Pourquoi l'héritage chrétien vaut-il d'être défendu?
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