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Oeiras, Portugal
Aluno e Professor. Sempre aluno.

quarta-feira, 21 de dezembro de 2011

IX

   Depuis un si long temps que nous allions en Ouest, que
savions-nous des choses
   périssables?... Et soudain à nos pieds les premières fumées.

   - Jeunes femmes! et la nature d'un pays s'en trouve toute
parfumée:


   «... Je t'annonce les temps d'une grande chaleur et les
veuves criardes sur la dissipation des morts.
   Ceux qui vieillissent dans l'usage et le soin du silence, assis
sur les hauteurs, considèrent les sables
   et la célébrité du jour sur les rades foraines;
   mais le plaisir au flanc des femmes se compose, et dans nos
corps de femmes il y a comme un ferment de raisin noir, et de
répit avec nous-mêmes il n'en est point.

«... Je t'annonce les temps d'une grande faveur et la félicité
des feuilles dans nos songes.
   Ceux qui savent les sources sont avec nous dans cet exil;
ceux qui savent les sources nous diront-ils au soir
   sous quelles mains pressant la vigne de nos flancs
   nos corps s'emplissent d'une salive? (Et la femme s'est
couché avec l'homme dans l'herbe; elle se lève, met ordre aux
lignes de son corps, et le criquet s'envole sur son aile bleue.)

   «... Je t'annonce les temps d'une grande chaleur, et
pareillement la nuit, sous l'aboiement des chiens, trait son
plaisir au flanc des femmes.
   Mais l'Étranger vit sous sa tente, honoré de laitages, de
fruits. On lui apporte de l'eau fraîche
   pour y laver sa bouche, son visage et son sexe.
   On lui mène à la nuit de grandes femmes bréhaignes (ha! plus
nocturnes dans le jour!) Et peut-être aussi de moi tirera-t-il son
plaisir. (Je ne sais quelles sont ses façons d'être avec les femmes.)

   «... Je t'annonce les temps d'une grande faveur et la félicité
des sources dans nos songes.
   Ouvre ma bouche dans la lumière, ainsi qu'un lieu de miel
entre les roches, et si l'on trouve faute en moi, que je sois
congédié! sinon,
   que j'aille sous la tente, que j'aille nue, près de la cruche,
sous la tente,
   et compagnon de l'angle du tombeau, tu me verras
longtemps muette sous l'arbre-fille de mes veines... Un lit
d'instances sous la tente, l'étoile verte dans la cruche, et que je
sois sous ta puissance! nulle servante sous la tente que la
cruche d'eau fraîche! (Je sais sortir avant le jour sans éveiller
l'étoile verte, le criquet sur le seuil et l'aboiement des chiens de
toute la terre.)
   Je t'annonce les temps d'une grande faveur et la félicité du
soir sur nos paupières périssables...

   mais pour l'instant encore c'est le jour!»

   - et debout sur la tranche éclatante du jour, au seuil d'un
grand pays plus chaste que la mort,
   les filles urinaient en écartant la toile peinte de leur robe.

Saint-John Perse, Anabase

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